Avec 66 % des immatriculations en 2017, les marques tricolores se taillent une part croissante du marché hexagonal des voitures de société.
Par Roman ScobeltzineC'est une constante sur le marché des flottes : deux voitures sur trois achetées ou louées par une entreprise sont de marque française. Les groupes PSA et Renault représentent ainsi 66 % des ventes aux sociétés, contre 47 % sur le marché des particuliers. Un leadership qui ne faiblit pas, au contraire. Malgré la pression de la concurrence, les constructeurs français continuent de grignoter des parts de marché avec + 7 points en 2017 par rapport à l'année précédente, selon l'Observatoire du véhicule d'entreprise (Ove). Renault et Dacia ont accaparé 29 % du gâteau, tandis que Peugeot, Citroën et DS en ont raflé 37 %, en hausse de 6 points. Un résultat dû entre autres au rachat d'Opel, mais aussi à la bonne performance de la marque au lion. « Peugeot a progressé de 22 % sur les ventes aux entreprises, avec 20 000 véhicules de plus que l'année précédente et + 2,8 points de part de marché », se félicite Hugues De Laage, directeur des ventes B to B France du groupe PSA. Les modèles 208, 308 et 3008 figurent d'ailleurs dans le top 5 des voitures particulières en entreprises. Derrière les marques françaises, le groupe allemand Volkswagen s'impose comme le premier importateur en France (10 % de parts de marché), devant Ford et Daimler (4 % chacun), Fiat et Nissan (3 % chacun).
Comment expliquer cette longueur d'avance des français sur ce marché, face à des concurrents offensifs ? « Il existe un certain chauvinisme sur le marché des flottes depuis les années 1970, rappelle Robert Maubé, expert et consultant indépendant en gestion de parcs automobiles. Les entreprises donnent plus volontiers l'exemple en matière de patriotisme économique, surtout en temps de crise et de chômage de masse. » Mais la fidélité n'explique pas tout, pas plus que le made in France, qui ne représente que 30 % de la production des constructeurs nationaux. C'est aussi une question d'image. « La plupart des décideurs et gestionnaires de parcs ne veulent pas que leurs collaborateurs s'affichent avec des voitures trop ostentatoires. Cela peut créer un malaise vis-à-vis des clients, des fournisseurs ou des actionnaires, voire susciter des jalousies en interne par rapport aux salariés n'ayant pas le droit à un véhicule de fonction. » Ces principes varient toutefois selon les entreprises. Dans les secteurs de la finance, du conseil ou de la pharmacie, les véhicules statutaires de type Audi, Mercedes, BMW ou Volvo sont au contraire un gage de respectabilité. Et l'on s'en sert notamment comme d'un levier de ressources humaines pour motiver les troupes et attirer de nouveaux talents.
Reste que les constructeurs français ont un gros avantage : leur réseau de distribution et d'après-vente est beaucoup plus développé que celui de leurs concurrents. Renault et PSA disposent chacun de 5 000 centres sur le territoire, contre 1 500 seulement pour Volkswagen et 250 pour Ford ou Fiat. Ils sont également bien positionnés sur les segments B et C (citadines, compactes et dérivées), où se concentre l'essentiel de la demande des entreprises. Ainsi, 78 % des citadines (type Renault Twingo) et 70 % des compactes (type Peugeot 308) immatriculées en entreprises sont françaises, selon l'Ove. En outre, les marques tricolores comblent leur retard sur les segments supérieurs (berlines familiales et SUV) : de 8 % de parts de marché en 2014 elles sont passées à 25 % l'an dernier grâce à des modèles comme les Renault Talisman ou Espace. Un terrain où Peugeot ne cache pas non plus ses ambitions avec sa nouvelle et prometteuse 508.
Autre point fort des modèles français, ils restent plus compétitifs en coût total de détention que leurs concurrents allemands. Si, entre une Peugeot 308 et une Volkswagen Golf, les loyers en location longue durée (LLD) et la fiscalité (taxe sur les véhicules des sociétés, bonus-malus et TVA récupérable) sont équivalents, la française prendra l'avantage grâce à des plans de remise traditionnellement plus généreux chez les constructeurs nationaux. Ceux-là peuvent faire baisser jusqu'à 33 % la valeur unitaire d'un véhicule neuf. « Or cet écart de prix facial a une incidence sur la fiscalité dite indirecte, rappelle Robert Maubé, à savoir l'avantage en nature, les amortissements non déductibles ou encore la taxe sur la plus-value en cas de propriété. »
La bataille se joue ensuite sur les valeurs résiduelles (valeur de revente sur le marché de l'occasion). Un domaine où les constructeurs français ont beaucoup progressé, d'après les organismes, indépendants d'évaluation (Autovista et BF Forecasts). Exemple : au terme d'un contrat de trente-six mois et de 130 000 km, une Peugeot 3008 peut atteindre 45 % de valeur résiduelle, soit autant que certains modèles chez Mercedes. Une performance inédite pour un modèle tricolore.
Sur le marché des flottes où la location longue durée représente environ 63 % des immatriculations, soit 1,3 million de véhicules, les constructeurs français peuvent également compter sur leur filiale Overlease pour Renault et Free2Move pour PSA, des structures solidement ancrées qui leur permettent de couvrir 28 % du marché de la LLD (loueurs captifs et multimarques confondus). « Ils ont également fait de gros efforts sur les services avec des contrats d'entretien standard pièces et main-d'œuvre (mais aussi pneumatiques) intégrés dans le prix d'acquisition des véhicules », rappelle Robert Maubé. Surtout, « ils ont été les premiers à se doter d'un système d'échange dématérialisé des données, dit Edi (Electronic/data/interchange) ». Cette plateforme Web développée par Athoris permet un contrôle des travaux de réparation et des factures entre constructeurs et loueurs, en toute transparence. « Cela représente des coûts de gestion en moins pour le loueur, qui, du coup, a tendance à privilégier les marques françaises dans les appels d'offres. » Désormais 80 % de ces échanges seraient dématérialisés, un point sur lequel les marques étrangères ont pris du retard.
1. Renault Clio (diesel)
2. Peugeot 3008
3. Peugeot 308
4. Renault Mégane
5. Peugeot 208
6. Renault Scénic
7. Citroën C3
8. Citroën C4 Picasso
9. Renault Clio (essence)
10. Volkswagen Tiguan