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10 octobre 2017 2 10 /10 /octobre /2017 05:17

Le président américain menace l'Iran. En cas de nouvelles sanctions contre le pays imposées par Washington, les fortes ambitions de Renault et PSA dans le pays pourrait se voir sérieusement perturbées.

La Renault Tondar iranienne, baptisée Tondar

La Renault Tondar iranienne, baptisée Tondar

Quel lien entre Carlos Ghosn, PDG de Renault, Carlos Tavares, président de PSA, et Donald Trump ? L'Iran ! C'est le 15 octobre prochain que le président américain doit certifier, ou non, que l'accord sur le nucléaire iranien est bel et bien respecté. Une échéance cruciale. Or, selon un haut responsable américain ayant requis l'anonymat, l'imprévisible chef de la Maison blanche s'apprêterait justement à… ne pas le certifier. Signé en juillet 2015 à Vienne par l'Iran et les puissances du P5+1 (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Russie, Chine, Allemagne), le Plan d'action conjoint commun (JCPOA) engage Téhéran à limiter son programme nucléaire en échange d'un allègement des sanctions économiques.

Si Donald Trump ne certifie pas que l'Iran est en conformité avec le JCPOA, le Congrès des Etats-Unis disposera d'un délai de soixante jours pour décider de l'opportunité de réinstaurer les sanctions, qui ont été levées. Une perspective de glaciation, avec des menaces de rétorsion des américains contre les entreprises commerçant avec le pays, qui angoisse les constructeurs automobiles français, lesquels ont profité de l'accord pour réinvestir le prometteur marché iranien et y annoncer de mirifiques plans de croissance.

Un plan Renault très ambitieux…

Carlos Ghosn, PDG de Renault, a ainsi annoncé vendredi 6 octobre quatre nouveaux  lancements dans les six ans en Iran. Avec pour objectif : faire passer les ventes de 109.000 l'an dernier à plus de 250.000 à horizon 2022, au terme du plan " Drive the future ". Renault avait signé  début août un accord pour créer une nouvelle société conjointe avec Parto Negin Naseh Company et l'Organisme d'Etat pour la rénovation et le développement industriel (Idro), dont il sera l'actionnaire majoritaire. Au menu : un centre d'ingénierie et d'achats ainsi qu'une usine de 150.000 exemplaires par an, s'ajoutant aux capacités existantes de Renault dans le pays de 200.000 véhicules.

Renault produit effectivement depuis le milieu des années 2000 la Tondar (Logan de première génération), à laquelle s'est récemment ajoutée la Sandero. La coentreprise sera installée à Saveh (120 kilomètres au sud-ouest de Téhéran). Le constructeur au losange compte notamment assembler le " SUV " Duster II et la Renault Symbol (Logan de seconde génération). A cela pourrait s'ajouter la Kwid à très bas coûts, qui démarre en trombe au Brésil, après un succès fulgurant en Inde. Une version à quatre portes avec coffre séparé est à l'étude.

...Mais PSA l'est encore davantage

PSA a quant à lui démarré au printemps dernier la commercialisation de son petit " SUV " Peugeot 2008, la première voiture de nouvelle génération produite localement. C'était le premier signe tangible du grand retour de PSA sur place, après qu'il a été obligé d'interrompre ses relations avec l'Iran en 2012… sous l'injonction de l'éphémère allié américain GM qui l'avait sommé de se conformer aux sanctions internationales soutenues par Washington. 15.000 unités de cette 2008 au moins devraient être vendues cette année en Iran.  

Le deuxième nouveau modèle, la Peugeot 301 (une 208 rallongée à carrosserie classique avec coffre séparé), sera industrialisé avant l'été 2018. Ce sera d'ailleurs le modèle le plus populaire, puisqu'il devrait à terme remplacer la très vieille 405 des années 80, la voiture nationale iranienne dont la production s'est poursuivie pendant les sanctions, sans licence et avec des pièces chinoises de contrefaçon à la qualité catastrophique. Enfin, la petite 208 arrivera quelques mois après la 301.

PSA avait été le premier à signer son grand retour, en paraphant un premier accord en janvier 2016. Il a ensuite conclu le 21 juin 2016 l'accord définitif avec le groupe d'Etat Iran Khodro pour produire les trois nouveaux modèles Peugeot. Une co-entreprise à 50-50 a été établie. Les volumes envisagés sont de 200.000 exemplaires annuels avec un investissement de 400 millions d'euros, dont une bonne partie a déjà été effectuée.

Carlos Tavares, président de PSA, a par ailleurs signé jeudi 6 octobre 2016 l'accord pour le retour de Citroën en Iran avec le groupe local Saipa. Une société commune à 50-50 prévoit la production de 150.000 exemplaires annuels vers 2021, pour 300 millions d'euros d'investissement. Les capacités sur le site Kashan (250 kilomètres au sud de Téhéran) sont de 230.000 unités. La première Citroën produite en Iran sera industrialisée début 2018, le deuxième modèle fin 2018. Trois véhicules de la marque aux chevrons sont prévus au total. Et des pourparlers ont lieu pour fabriquer à terme des utilitaires du groupe.

Un marché de 2 millions en 2020

Le marché iranien devrait " atteindre 2 millions de véhicules en 2020 ", estimait l'été dernier Stefan Müller, Directeur délégué à la performance de Renault. Et 1,8 million à 2 millions vers 2025, selon les experts. Le marché iranien a connu un pic de 1,66 million d'unités en 2011, avant de chuter à moins de 800.000 unités en 2013 suite à l'entrée en vigueur des sanctions internationales. Les ventes sont remontées à 1,1 million en 2015 et devraient arriver à " plus d'1,5 million cette année ", d'après Jean-Christophe Quémard, directeur de la région Afrique-Proche-Orient de PSA. Il y a 200 voitures pour mille habitants en Iran, soit davantage que la moyenne mondiale (160), mais le taux demeure 3,5 fois inférieur à celui de l'Europe. Il y a donc du potentiel, avec de surcroît une classe moyenne importante. Et les Iraniens adorent l'automobile, moyen d'évasion en l'absence de transports publics ou presque, mais aussi lieu de liberté, pour les femmes notamment, dans un pays aux mœurs très surveillées !

Pour l'automobile française, l'Iran c'est une longue histoire d'amour. Dès 1968, Citroën fabriquait la Jyane (la Dyane dérivée de la 2CV). Quelques Méhari locales ont aussi vu le jour. Et des R5 cinq portes ont aussi été fabriquées dans les année 70 et 80. Mais, surtout, en 1978, PSA reprend… Chrysler Europe. Or, la branche britannique des activités du groupe américain sur le Vieux continent avait établi dans les années 1960 une base de production cruciale avec Iran Khodro, pour fabriquer sur place la Paykan, une berline de gamme moyenne Hillmann Hunter rebaptisée. La fabrication ne s'est d'ailleurs arrêtée que récemment, 2009 pour la berline, 2015 pour son dérivé pick-up.

Les français ont une solide antériorité

PSA prend donc logiquement la suite de Chrysler UK. Le français en profite pour introduire en 1991 la Peugeot 405 chez Iran Khodro, qui remplacera progressivement la Paykan dans le cœur des iraniens.  Puis, en 2001, arrive la 206. Une version de cette dernière avec coffre séparé, censément plus flatteuse, est lancée en 2006. Ces modèles sont toujours produits. Une 405 a l'avantage d'être spacieuse, facilement réparable et pas chère (à partir de 8.000 euros). Des Citroën Xantia ont également été produites, chez Saipa, dans les années 2000.

Les français bénéficient d'une solide antériorité sur le marché iranien. Peugeot détient le tiers du marché, Renault 7%. Les véhicules importés sont très onéreux, car frappés de 55% des droits de douane. Ils représentent 10% à peine du marché. Les voitures chinoises, entrées à la faveur des sanctions, sont par ailleurs très peu appréciées à cause de leur mauvaise fiabilité. Et les allemands sont quasi-absents, les japonais aussi ! Les français ont le champ libre. " Une situation un peu unique ",s'exclame Carlos Tavares.

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